Les impacts du télétravail sur la santé mentale - AG Employee Benefits
Road to the Health Day 2020

Publié le 27-08-2020

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Quels sont les impacts du coronavirus sur la santé mentale de vos travailleurs ?

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La pandémie a bouleversé la manière de travailler au sein des entreprises, obligeant les travailleurs à s’adapter pendant le confinement. Quels sont les impacts du télétravail sur la santé mentale de vos travailleurs ? Que pouvez-vous faire en tant qu’employeurs pour prévenir des maladies mentales ? François Perl, directeur général du service des indemnités de l’INAMI, répond à ces questions.


La crise financière de 2008 a été un tournant au niveau de la santé mentale. Pourquoi ? 

Parce qu’il s’agit de la première crise économique systémique qui a eu un impact aussi fort sur l’organisation du travail. Celui-ci s’est particulièrement réorganisé en 2009, surtout dans le secteur bancaire et des assurances.

Corrélativement à cela, nous avons pu observer une augmentation constante dans tous les pays industrialisés du nombre d’invalides avec, notamment, de nouvelles formes d’absentéisme liées au stress. En fait, le stress professionnel a augmenté de manière très considérable depuis la crise de 2008 : restructurations au sein des équipes, application intégrale d’e-management, « less is more »… Toutes ces nouvelles formes de travail ont généré une augmentation du nombre de burnout et de dépressions enregistrées depuis 2008.​​​

Existe-t-il une corrélation entre une situation de crise et l’apparition de problèmes de santé mentale ?

Tout à fait. Plusieurs études ont prouvé l’existence d’un lien. L’impact de la crise de 2008 sur la dégradation de la santé mentale dans le monde n’est pas un secret.

Qu’ont fait les entreprises suite à la crise de 2008 et l’explosion des cas de maladies mentales ? 

En Belgique, de nombreux dispositifs de bien-être au travail ont été mis en place et ils se sont avérés performants. Par exemple, des cellules spécialisées en risque psycho-social qui sont très actives dans les organes de prévention en entreprise. 

Cependant, personne ne s’est jamais attaqué aux causes, c’est-à-dire ce qui a provoqué cette augmentation du stress et des dépressions. Les entreprises traitent le problème d’un point de vue curatif, par exemple avec un médecin ou une traitement psycho thérapeutique, ce qui est déjà très bien. Mais en terme de prévention, la Belgique reste assez limitée. 

Le Covid-19, en plus de provoquer une crise économique, ajoute un élément supplémentaire : le confinement. Peut-on déjà mesurer l’impact du confinement sur la santé mentale des travailleurs ? 

En si peu de temps, il n’y a pas encore eu de véritables études scientifiques qui mesurent les effets du confinement. Mais l’Université de Gand et Sciensano ont déjà réalisé des enquêtes​​​ qui vont toutes dans le même sens : le sentiment subjectif du bien-être diminue fortement à cause du confinement. Les travailleurs confessent plus facilement qu’ils se sentent mal sur le plan psychologique depuis les débuts de cette crise.

Peut-il s’agir de nouveaux cas de burnout ?

Pour l’instant, rien ne l’indique et ce pour deux raisons : d’abord, avec le télétravail, les gens vont rarement se déclarer spontanément en incapacité de travail. Ceux-ci restent chez eux, en se cachant à eux-mêmes une série de symptômes et pour ne pas perdre de revenus. Ensuite, le chômage temporaire frappe beaucoup de travailleurs. S’ils tombent malade, ils ne vont pas non plus se déclarer en incapacité de travail pour ne pas perdre de revenus. 

En ce qui concerne les chiffres de l’incapacité de travail, nous avons observé au moment du pic épidémiologique une hausse assez sévère en mars et en avril mais cela diminue en mai. Pour l’instant, nous travaillons avec beaucoup de suppositions et d’interrogations.
 
Concrètement, qu’est-ce qu’un employeur peut mettre en place au sein de son entreprise ? 

L’arme principale des employeurs est la prévention et la détection précoce des cas. Je pense que les employeurs doivent analyser la charge de travail des personnes en télétravail. Il serait aussi intéressant de pouvoir customiser les tâches des employés : réaffectation à d’autres tâches, coaching au télétravail, soutien, …
L’idéal est de travailler au cas par cas pour déterminer quels sont les besoins essentiels des employés dans cette situation de crise.

Quels sont vos attentes au niveau de la santé mentale des travailleurs dans cette situation de COVID ?

Je m’attends à une augmentation assez sévère du nombre de burnout et de dépression dans la dernière partie de l’année 2020. Si nous repartons dans une période de « semi » confinement, les personnes qui s’en remettent doucement vont avoir du mal à rester à flot. 
Par ailleurs, l’absence d’une personne souffrant d’un burnout peut varier de 2 mois à 4 ans.

Y aura-t-il plus de cas de maladies mentales avec la crise du COVID qu’en 2008 ? 

Potentiellement oui. Cela dépendra de plusieurs facteurs, par exemple, si le nombre de licenciements que nous prévoyons se réalisent, il y aura vraiment beaucoup plus de cas. En effet, il y a un lien indéniable entre le chômage et l’invalidité. Et au plus la crise va se prolonger dans le temps, au plus il y aura de cas.

Les employeurs sont-ils mieux armés qu’en 2008 d’un point de vue préventif et curatif ?

Oui, je le pense sincèrement. Les employeurs ont compris que le capital humain est tout aussi important que le capital financier. Les approches en terme de management et de bien-être au travail ont fait leur bout de chemin. Ce sont des acquis de 2008. 
Je sais que pas mal d’employeurs essayent déjà de trouver des solutions en cette période si spéciale.

Concernant la réintégration légale, qu’est ce qui peut être fait par les employeurs ?

Il y a des dispositifs qui existent mais je pense qu’il faudrait un peu plus responsabiliser les employeurs, notamment au niveau financier. Pour le moment les employeurs ne sont pas récompensés quand ils ont une bonne politique de réintégration. Et à l’inverse, ils ne sont pas sanctionnés quand ils n’en ont pas. 

Des méthodes d’ « incentives » pourraient être une alternative. Les Pays-Bas avaient mis en place un système de bonus/malus sur les cotisations sociales chez les employeurs qui avaient instauré des politiques de réintégration active. Pour l’instant, les employeurs n’ont pas d’intérêt à se lancer dans une politique de réintégration car quand ils font bien leur travail, ils ne sont pas récompensés. Cela doit évoluer.

Imaginons que le télétravail devienne la norme, quels seraient les impacts sur la santé mentale des travailleurs ? 

Cela dépendra au cas par cas. Il peut y avoir des impacts positifs comme négatifs en fonction des personnes. On ne peut partir du principe que le télétravail est naturellement bon ou mauvais pour les employés et leur santé mentale. 

Pour bien faire, il faudrait trouver un équilibre quasi personnel à chaque employé en tenant compte des contraintes de l’entreprise. Le vrai challenge consiste en une politique de bien-être individualisée au sein des entreprises. 

Avez-vous un conseil à donner aux employeurs concernant la santé mentale de leurs employés ? 

Les employeurs doivent considérer la santé mentale comme un élément essentiel au sein de leurs entreprises. Les maitres mots sont « anticipation » et « détection rapide des problèmes » afin de mettre en place une organisation du travail qui tienne compte de la santé mentale des travailleurs. 

Ça ne peut être que bénéfique pour l’entreprise : des jours d’absentéisme en moins et de la productivité en plus. Une politique centrée sur la santé mentale est une politique qui, à terme, a des effets très positifs sur l’entreprise.

 
Que devez-vous retenir de cette interview :

  • La crise financière de 2008 a bouleversé notre organisation du travail, ce qui a provoqué une augmentation du nombre de burnout et de dépressions.

  • Le Covid-19 amène un nouvel élément : le confinement.

  • Les travailleurs confessent que la combinaison du télétravail et du confinement pèse sur le plan psychologique.

  • L’absence d’une personne souffrant d’un burnout peut varier de 2 mois à 4 ans.

  • Afin d’éviter que les travailleurs développent des maladies mentales, les employeurs doivent insister sur la prévention et la détection précoce des cas. Si possible, en analysant la charge de travail des personnes en télétravail au cas par cas.​

Qui est François Perl ?


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