Perspectives économiques : qu'apporte 2019 ? - AG Employee Benefits
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Publié le 21-03-2019

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Que nous réservent les marchés financiers en 2019 ?

Au début de l’année dernière, Filip Corten, Senior Strategist chez AG Insurance, avait analysé les marchés financiers et l’économie mondiale. Au vu du succès rencontré par cet article, nous lui avons demandé de se livrer au même exercice. Comment s’est passée l’année 2018 ? Quelles prévisions se sont concrétisées et quelles surprises nous a-t-elle réservées ? Et qu’en sera-t-il de 2019 ? Découvrez ses réponses dans cet article.​


Filip, l’an dernier, vous annonciez une année 2018 plus houleuse après l’excellent cru boursier de 2017. Vos prévisions se sont-elles réalisées ?


"En partie, oui. L’activité économique a atteint un sommet fin 2017 pour reculer légèrement dans le courant de 2018, un ralentissement qui s’est surtout fait ressentir dans la zone euro et sur les marchés émergents. Ce ralentissement n’a pas encore été perceptible aux États-Unis en 2018, en raison des réformes fiscales instaurées par le président Trump et de la poursuite de la reprise économique. Cependant, à l’échelle mondiale, toutes les catégories d’actifs ont signé des rendements négatifs en 2018. Et ce n’était plus arrivé depuis 30 ans.

La volatilité accrue en 2018 a plombé les marchés des actions. Une hausse du taux américain, conjuguée aux premiers signes d’un ralentissement de la croissance, a été à l’origine d’une première vague de vente sur le marché, qui à son tour a donné lieu à des corrections boursières allant jusqu’à 20 %."


Que nous réserve 2019 ?

"Globalement, l’on s’attend à ce que le ralentissement de la croissance se poursuive dans la zone euro et sur les marchés émergents. Ce ralentissement va également gagner les États-Unis. Si Donald Trump a encore pu le reporter d’un an, les conséquences positives de ses mesures fiscales disparaîtront en 2019.

D’autres indicateurs prévisionnels évoquent également une poursuite de ce repli en 2019. Les commandes et le volume des échanges commerciaux mondiaux continueront de diminuer dans les mois à venir. Les échanges mondiaux vont également continuer de s’affaiblir.

Nous devons également tenir compte de la situation géopolitique, même s’il est impossible de prédire son évolution. La possible guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis n’a pour l’instant que peu d’effets dans la pratique alors qu’il nous semble, actuellement, plus probable que les deux pays arrivent à un accord. Quant au Brexit, on ne sait pas encore s’il sera doux ou dur. Difficile dès lors d’en déterminer l’impact, même si l’on sait que pour l’Europe, il restera limité, vu que seulement 2 % des exportations européennes sont destinées au Royaume-Uni. Attention : en ce qui concerne la Belgique, 7 % de ses exportations concernent le Royaume-Uni, ce qui pourrait accentuer davantage l’effet d’un Brexit dur."

 
Différents scénarios par région se dessinent-ils pour 2019 également ?

"Dans la zone euro, nous avons assisté fin 2017 à un pic au niveau de la croissance économique. À partir de 2018, les données ont amorcé une tendance légèrement baissière. Ainsi, la production industrielle a reculé de 1 %. Cependant, le secteur des services résiste et les dépenses de consommation ont encore augmenté de 1 %, contre 3 % en 2017.

Aux États-Unis, si la consommation est restée stable en 2018, elle commence à montrer les premiers signes de ralentissement. L’économie américaine est en croissance depuis 115 mois consécutifs. La période de croissance la plus longue était de 118 mois, entre 1991 et 2001. L’on constate qu’on arrive à la fin d’un cycle économique. L’output gap, c’est-à-dire la différence entre le niveau réel de l’économie et son potentiel selon les banques centrales, est devenu positif grâce à la réforme fiscale. Cette surchauffe peut se maintenir encore un moment, mais pas des années. Enfin, la courbe des taux, c’est-à-dire la différence entre le taux à long terme et le taux à court terme, tend vers zéro. Cet élément a, d’un point de vue historique, toujours été un indicateur négatif pour l’évolution de l’économie.

Le ralentissement de la croissance est également perceptible dans les marchés émergents. En Chine, la croissance de la production industrielle est passée de 6 % à 5,5 %. L’impact de la menace d’une guerre commerciale pèse sur les esprits car les exportations en provenance de la Chine sont, elles aussi, en baisse. On assiste également à une augmentation de la dette, surtout auprès des entreprises publiques, des autorités locales et des ménages. Cette hausse de la dette ne peut se poursuivre au rythme actuel, ce qui au final conduira à un ralentissement de la croissance.

La Belgique s’en sort globalement assez bien. Le taux d’endettement y est élevé, mais les Belges ont en moyenne plus de placements à l’étranger que les étrangers en Belgique. Notre économie est donc moins tributaire d’investisseurs étrangers en période de crise. Le taux de chômage y est bien plus stable que dans le reste de la zone euro, mais les charges salariales restent élevées et pèsent sur notre compétitivité. En termes de déficit public également, la Belgique doit continuer d’être prudente et poursuivre ses efforts."

Quelles sont vos prévisions pour les différentes classes d’actifs ?

"En ce qui concerne les obligations d’État, on constate que le ralentissement de l’économie limite également le potentiel haussier des OLO. Dans le cas des obligations à 10 ans, l’Italie reste le principal problème. Néanmoins, l’obligation d’État reste un choix sûr en ces périodes de volatilité.

Dans le cas des obligations d’entreprise, les obligations BBB constituent à nouveau une piste intéressante après la correction intervenue à la fin de l’année dernière. Nous continuons d’adopter une position négative vis-à-vis des obligations High Yield (obligations assorties d’une qualité de crédit inférieure) ou des obligations de pays émergents, vu que le risque sous-jacent est trop élevé par rapport au rendement supplémentaire.    

Enfin, sur le marché des actions, les actions américaines restent relativement chères par rapport aux autres régions. Il est préférable de chercher des opportunités dans les marchés émergents, à condition d’accepter des fluctuations de marché intermédiaires. Les actions européennes affichent une valorisation plutôt correcte. Globalement, il faudra rester attentif à la volatilité accrue sur les marchés en 2019."


Ce ralentissement de la croissance est-il surtout de nature émotionnelle ? Ou les fondamentaux sont-ils en cause ?

"C’est une combinaison des deux, mais fin 2018, l’émotion a semblé prendre le dessus, ce qui a donné lieu à des exagérations sur les marchés. L’incertitude liée à la guerre commerciale et au Brexit exerce une pression qui pousse les entreprises à reporter leurs investissements. Cette situation accélère le ralentissement. Mais même sans cette émotion, il y aurait eu un ralentissement, car l’expansion économique se prolonge depuis très longtemps. Citons comme facteur supplémentaire le taux de chômage qui est très bas aux États-Unis et dans la zone euro. Les salaires y enregistrent donc une hausse plus importante, réduisant les marges des entreprises et rognant les bénéfices. Un ralentissement économique est donc des plus logiques."
 

Nous orientons-nous vers une récession ?

"Même si une récession est inévitable, voire saine, après une certaine période, elle n’est pas encore prévue pour 2019. Les États-Unis restent le principal moteur et la plus grande économie mondiale. Un ralentissement y est à présent perceptible, mais on ne peut pas encore parler d’arrêt de la croissance.

Le principal facteur reste (et il n’y a rien de neuf à cet égard) les banques centrales. Alors qu’en 2018, elles prônaient toutes une politique monétaire plus stricte, réduisant le soutien à l’économie et, indirectement, aux marchés financiers, elles semblent avoir décidé de faire une pause en 2019 et d’attendre les chiffres de la croissance économique. Cette attitude des banques centrales a calmé les investisseurs et induit une hausse des marchés depuis Noël."


 

En résumé : quel est le scénario le plus réaliste pour 2019 ?

  • Globalement : un nouveau ralentissement de l’économie, sans qu’il soit toutefois question de récession.
  • États-Unis : les conséquences positives de la réforme fiscale instaurée par Donald Trump ont pris fin, raison pour laquelle la croissance commencera à ralentir en 2019. Les tensions entre la Chine et les États-Unis entraînent un impact mineur mais négatif.
  • La zone euro et les marchés émergents : poursuite du ralentissement, mais la croissance économique se maintient.
  • Des perspectives de croissance inférieures incitent les banques centrales à mettre en attente des mesures comme les relèvements de taux, qui soutiennent les marchés financiers.
  • Dans un environnement de faible croissance, de taux bas et de valorisations globalement correctes, les attentes en termes de rendement pour la plupart des classes d’actifs restent limitées par rapport à leur moyenne historique.