Perspectives 2023 : l’année de la désinflation ? Oui, mais encore ? - AG Employee Benefits
Perspectives 2023 : l’année de la désinflation ? Oui, mais encore ?

Publié le 03-07-2023

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Perspectives 2023 : l’année de la désinflation ? Oui, mais encore ?

Fin 2022, Olivier Colsoul, Senior Strategist chez AG, avait joué le jeu des pronostics économiques pour 2023. « L'année 2023 devrait donc être celle de la désinflation », voilà la prévision d’Olivier Colsoul en décembre 2022. Maintenant que le premier semestre est écoulé, il est certainement temps de faire un premier bilan, toujours avec notre expert. 


Quel constat tirez-vous après ces six premiers mois ?

Contrairement à 2022, où la situation n'a fait que se détériorer, tant d'un point de vue économique que financier, on peut dire qu'en 2023, il y a plus de bonnes que de mauvaises nouvelles. A tout le moins, certaines craintes se sont fortement dissipées.

Tout d'abord, le pire ne s'est pas produit. L'économie européenne ne s'est pas effondrée en raison de la crise énergétique. On a passé l'hiver sans gros problème grâce à une réduction effective de la consommation de gaz des ménages et des entreprises, une diversification rapide de notre approvisionnement vers le gaz naturel liquéfié et une météo favorable. La situation énergétique s'est heureusement améliorée. Néanmoins, de nouveaux soubresauts pourraient se produire en cas de circonstances défavorables et concomitantes en matière d'énergie.

Ensuite, avec la baisse des prix énergétiques stratosphériques, l'inflation a commencé sa décrue. Elle reste certes encore élevée mais n'est plus aussi préoccupante que l'an dernier. Sauf en cas d'indexation automatique, la progression des salaires dans la plupart des pays européens a suivi avec retard la hausse des prix mais pas complètement. La crainte d'une spirale prix-salaires n'a pas eu lieu et le ralentissement actuel de l'inflation devrait plutôt éloigner ce risque.

Du côté des banques centrales, les hausses de taux d'intérêt se sont poursuivies mais à un rythme plus lent que l'an dernier. Si le cycle de remontée n'est pas encore terminé, on se rapproche de plus en plus du pic de taux d'intérêt, ce qui engendre moins de remous sur les marchés financiers qu'il y a un an. Ceux-ci enregistrent d'ailleurs des performances très voire un peu trop positives pour les actions, malgré un coup de froid passager causé par la crise des banques régionales américaines en mars. Concernant les obligations, celles-ci ont mangé leur pain noir et s'inscrivent dans le vert depuis le début de l'année.

Bref, la situation au premier semestre de 2023 est plus rassurante qu'à la même époque l'an dernier. Mais pas totalement.
 

Comment analysez-vous la situation actuelle d'un point de vue économique et financier ?

Le terme le plus parlant est la dichotomie. Sur le plan économique d'abord, si la croissance économique reste positive, c'est grâce au secteur des services. Le secteur manufacturier, lui, peine à se redresser. Or, c'est ce dernier qui importe pour la Bourse. Aussi, la contraction de la masse monétaire n'est pas de bon augure pour relancer la machine économique. Ensuite, les indicateurs de sentiment, qui visent à montrer la perception collective des agents économiques (comme les entreprises ou les ménages) et des investisseurs, sont résilients. Cependant, les attentes pour les prochains mois au mieux se tassent ou reculent sensiblement. Enfin, si les perspectives de croissance pour l'année en cours sont légèrement revues à la hausse ici et là, les prochains trimestres s'inscrivent plutôt sur une tendance plus morose. 

Pour leur part, les marchés financiers ne sont pas en reste. Les marchés obligataires, présentant des courbes lourdement inversées, anticipent un assouplissement assez rapproché de la politique monétaire des banques centrales, alors que celles-ci clament haut et fort que cela n'est certainement pas à l'ordre du jour. Du côté des principales Bourses, celles-ci ont, depuis le début de l'année, surtout été soutenues par le retour en grâce des valeurs de croissance et donc du secteur technologique. À Wall Street, seuls 20 titres expliquent près de 100 % de la hausse de l'indice S&P 500.

Ces divergences marquées sont difficilement soutenables dans la durée, c'est-à-dire que des ajustements à la hausse ou à la baisse sont probables et donc une certaine prudence s'impose.

Le cycle économique oscille donc entre ralentissement prononcé et timide reprise mais il est surtout caractérisé par la résilience.

Le choc inflationniste et l'alourdissement de la facture énergétique ont bien entendu eu des répercussions négatives sur la croissance. Les entreprises ont en partie pu répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix de vente. Les ménages ont certes dû puiser dans leurs réserves financières mais la poursuite d'un marché du travail porteur et les aides publiques octroyées par les gouvernements dues à la crise énergétique ont maintenu la consommation domestique à un niveau élevé. On parle de résilience économique, observable d'ailleurs des deux côtés de l'océan Atlantique.

Aux États-Unis, la croissance est historiquement tirée par la consommation des ménages, et cela reste le cas. Malgré l'inflation élevée, les dépenses des particuliers restent élevées, portées par un marché du travail toujours très robuste et une diminution de leur excès d'épargne constituée lors la pandémie de Covid-19. La situation financière des ménages et des entreprises américaines est solide et la mini crise bancaire ne semble pas avoir eu, à ce stade, de répercutions négatives sur les volumes de crédit octroyé malgré un resserrement de conditions de crédit.

Pour sa part, après révision à la baisse des chiffres officiels, la zone euro est tombée par accident en récession, à cause d'éléments ponctuels. A la différence des États-Unis, la consommation des ménages souffre mais ne craque pas. En outre, elle souffre moins qu'à la fin de l'an dernier et une stabilisation est probable pour la suite car le marché du travail est au beau fixe et la hausse des prix reflue graduellement. De plus, grâce à la baisse de la facture énergétique et des importations qui s'y rapportent, le commerce extérieur est redevenu un contributeur net positif à la croissance, ce qui est une bonne chose.


"Comme dans tout cycle économique, une embellie se profilera à un moment à l'horizon."

Quant à la Chine, elle fait face à de grands défis. Le ralentissement de la croissance mondiale a un impact important sur les chiffres de production et les exportations chinois. Le secteur immobilier est désormais un boulet pour l'économie et constitue un risque financier non négligeable. De ce fait, les ménages épargnent au lieu de consommer. De plus, les interventions étatiques dans divers secteurs n'incitent pas toujours à la confiance même si c'est pour maîtriser certains risques financiers qui se sont accumulés pendant trop longtemps. Le remède traditionnel, consistant à injecter plus d'argent public et de dettes bancaires dans le système, fonctionne de moins en moins bien avec le temps. L'inconvénient est que tout cela a un effet plutôt contreproductif sur la croissance économique et la vigueur de la reprise. Et il n'y a pas de recette miracle.
 

Qu'en est-il de l'inflation galopante de 2022 ?

Le pic de la hausse des prix est derrière nous depuis la fin 2022. Les chiffres de l'inflation montrent qu'elle se replie, pas toujours de façon linéaire et rapide. A moins d'une grosse surprise, la phase de décélération devrait se poursuivre. En effet, les banques centrales ont relevé les taux d'intérêt à de nombreuses reprises ces derniers mois pour freiner cette inflation historique. Pourquoi ? Parce que la hausse des prix de l'énergie s'est également propagée vers l'alimentation, les biens et les services. Ces deux catégories forment ce qu'on appelle l'inflation sous-jacente ou l'inflation de base alors que l'énergie et l'alimentation sont considérées comme des éléments volatils. On constate que l'inflation sous-jacente a mis plus de temps pour réagir à la hausse que l'inflation globale et qu'elle mettra aussi plus de temps pour repartir à la baisse. En l'absence de nouveau choc, l'inflation continuera de s'inscrire sur une tendance baissière. Les seules inconnues sont le timing et le niveau auquel elle se stabilisera. Mais, au fur et à mesure que le temps passe, l'inflation devient de moins en moins un sujet de préoccupation.
 

Quelles sont donc les perspectives économiques des mois à venir ?

Dans l'ensemble, bien que cela puisse paraître paradoxal, nous anticipons un scénario de ralentissement résilient. Cela se traduit néanmoins par un creux de la croissance économique en 2023 avant un léger redressement attendu en 2024 ou en 2025, lequel serait soutenu par une amélioration graduelle du pouvoir d'achat, c'est-à-dire par des salaires plus élevés avec un certain retard alors que l'inflation continue de se modérer. L'incertitude quant au redressement de la conjoncture pourrait dépendre de la politique monétaire, dans la mesure où les hausses de taux d'intérêt ont pour but de calmer l'inflation mais aussi l'activité économique. Et cet impact met du temps à percoler dans l'économie. Cela peut prendre un an ou plus. Dès lors, les hausses de taux d'intérêt actuelles pourraient en fait peser sur l'économie en 2024. La période de ralentissement est toujours à l'œuvre : ralentissement oui mais effondrement non. Et puis, comme dans tout cycle économique, une embellie se profilera à un moment à l'horizon.
 

Et pour les marchés financiers ?

Les marchés boursiers se portent exceptionnellement bien compte tenu de la situation, affichant une tendance haussière depuis octobre. Toutefois, la qualité du rally boursier est loin d'être homogène. Outre l'engouement récent autour de l'intelligence artificielle, ce sont pour l'instant surtout des facteurs techniques qui sont positifs. Certes, les résultats d'entreprises ont eu le mérite de montrer que les marges bénéficiaires des entreprises américaines se sont stabilisées par rapport au 4e trimestre de l'an dernier et les attentes ne se détériorent plus. Mais, la conjoncture, après l'embellie du début d'année, est en train de se tasser de plus en plus dans le secteur manufacturier. Les derniers chiffres ne sont pas bons sans être alarmants pour autant. Et, il n'y a toujours pas retournement de tendance.

Dès lors, l'attentisme et la diversification reste de rigueur. Nous prévoyons une stabilisation des rendements et un ralentissement de la hausse des marchés d'actions. Nous maintenons notre approche équilibrée entre actions et obligations. À l'intérieur de la poche actions, la diversification tant géographique que sectorielle ou par style de gestion reste privilégiée, au risque de rater des retournements de tendance. Et il y en a eu quelques-uns depuis plus d'un an. Une phase de consolidation, couplée à une réduction de certains excès boursiers, pourraient créer des nouveaux points d'entrée. Alternativement, une amélioration plus tangible des perspectives pourrait également renforcer la vision sur les actions.
 

Le mot de conclusion

Le ralentissement conjoncturel se poursuit mais l'économie est tenace. La désinflation est à l'œuvre mais il ne faut peut-être pas se réjouir trop vite car la partie la plus difficile à réaliser est devant nous. Il ne faut pas oublier ni minimiser l'impact du resserrement monétaire des banques centrales qui préfèrent en faire trop que pas assez, ce qui endommagerait la croissance. A ce stade, un atterrissage en douceur de l'économie tient toujours la corde. 

Le risque que quelque chose craque est assez faible vu la résilience et la relative bonne santé financière des ménages et des entreprises. En outre, au fur et à mesure que le temps passe et que l'inflation continue de refluer, les banques centrales pourraient plus facilement intervenir en cas de pépin pour soutenir l'économie que si une lourde récession s'était produite plus tôt. Bien que non optimal, un tel cas de figure ne serait pas forcément des plus effrayants pour les investisseurs, lesquels semblent s'en accommoder. Quoi qu'il en soit, les titres à revenu fixe offrent désormais un rendement attrayant, plus particulièrement les obligations d'entreprises de qualité sur lesquelles nous sommes positifs. Bien que faisant preuve de prudence et non de méfiance à court terme à l'égard des actions, nous restons constructifs à plus long terme.