Publié le 24-06-2024
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Rétrospective économique et financière et perspectives pour la seconde moitié de l’année
Alors que les six premiers mois de 2024 touchent à leur fin, Olivier Colsoul, Senior Strategist chez AG, a pris le temps de discuter avec nous de la dynamique qui a façonné l’économie et les marchés financiers au cours de la première moitié de l’année.
Alors que les six premiers mois de 2024 touchent à leur fin, Olivier Colsoul, Senior Strategist chez AG, a pris le temps de discuter avec nous de la dynamique qui a façonné l’économie et les marchés financiers au cours de la première moitié de l’année.
Quel état des lieux pouvez-vous faire sur le plan économique ?
Depuis le début de l'année, la conjoncture mondiale s'est progressivement améliorée. Les indicateurs avancés de l'activité sont repassés en zone d'expansion. De plus, la croissance économique a surpris positivement au 1er trimestre en Chine et dans la zone euro qui semble s'extirper d'une période de léthargie ayant duré plusieurs trimestres. Outre-Atlantique, même si les chiffres du PIB se sont modérés, la résilience de l'économie américaine reste toujours d'actualité.
Sur le front de l’inflation, après un ralentissement considérable au cours des 18 derniers mois, le retour vers l’objectif de 2% paraît un peu plus compliqué. C’est surtout la ténacité dans le domaine des services qui retarde les choses, notamment parce que la progression des salaires y est encore soutenue.
Cela étant, la trajectoire d’un ralentissement de l’inflation n’est pas remise en cause.
Quelles ont été les implications pour les banques centrales attendues au tournant ?
Du côté des grandes banques centrales, certaines d'entre elles, comme celles de Suisse et de Suède, ont été les premières à dégainer en amorçant une première baisse de leurs taux d'intérêt. Elles ont été suivies en juin par la Banque du Canada et la Banque centrale européenne comme prévu. Si elle a bien acté un recul du loyer de l'argent, elle s'est, par prudence compte tenu d'une inflation dite « collante », gardée de confirmer qu'il s'agit du début d'un nouveau cycle de baisse. Elle a néanmoins admis qu'il y a une forte probabilité pour que d'autres baissent suivent à l'avenir. Mais, pour cela, il faudra que les données-clés suivent dans le bon sens, c'est-à-dire celui d'une modération continue.
« La conjoncture mondiale s'est progressivement améliorée »
En ce qui concerne la Réserve fédérale américaine, celle-ci n’est pas pressée d’appuyer sur la gâchette dans la mesure où l’économie tourne bien alors que l’inflation est un peu plus élevée que sur le Vieux Continent. Toutefois, une première baisse au minimum devrait intervenir avant la fin de l’année.
Poursuivant sur leur lancée, les principales Bourses ont encore été à la fête, comment l’expliquez-vous ?
Les grands indices boursiers affichent ici et là des performances proches des 10 %, parfois au-dessus par fois en-dessous. Ce que l’on appelle l’exceptionnalisme américain a encore joué en faveur de Wall Street. Les désormais célèbres « magnificent seven », essentiellement actives dans la technologie, se sont encore distinguées par des hausses record de leurs bénéfices mais aussi de leur cours boursier. Pour autant, le reste de la cote n’a pas démérité, mais en progressant moins fortement. La bonne nouvelle provient des résultats d’entreprises qui continuent de s’améliorer plus largement et conduit à des révisions positives de la part des analystes. C’est un constat que l’on peut désormais faire pour les valeurs européennes, même si leur croissance est intrinsèquement moins forte que celle de leurs consoeurs américaines.
On ne peut toutefois pas en dire autant des marchés émergents qui restent à la traîne.
Tout à fait. Malgré un engouement croissant pour l’Inde, ce qui se passe en Chine prédomine. Même si la croissance a repris du poil de la bête, beaucoup d’économistes s’attendent à ce que la dynamique de reprise s’atténue dans le temps. Outre le contexte géopolitique et le risque d’une nouvelle guerre commerciale avec les Etats-Unis et peut-être avec l’Europe, la persistance du marché immobilier sous pression, la faiblesse de confiance des ménages et des entreprises privées réduit l’effet des efforts de relance plutôt timorés. A cela s’ajoute une certaine méfiance des investisseurs internationaux vis-à-vis du géant asiatique.
« L’inflation s’avère plus persistante que prévu aux États-Unis »
Quant aux obligataires, elles peinent à sortir de la zone rouge, ce qui est une contre-performance.
C’est vrai que les performances sont jusqu’ici décevantes. Il y a deux raisons à cela. D’abord, la communication particulièrement accommodante de la Fed en décembre dernier a provoqué un rallye tous azimuts, impliquant un recul prononcé des rendements obligataires fin 2023. Ensuite, l’inflation s’est montrée plus persistante que prévu aux Etats-Unis, ce qui a poussé le marché ainsi que la Fed à reculer dans le temps les anticipations de baisse des taux directeurs. En conséquence, la volatilité a primé sur les marchés obligataires et les taux d’intérêts des obligations se sont retendus quelque peu.
Quel bilan tirez-vous de cette première partie de l’année ?
On a connu une évolution globalement positive. D’un point de vue économique, la croissance a tendance à se raffermir alors que la désinflation se montre un peu plus poussive mais à partir de niveaux qui ne sont pas alarmants.
Sur les marchés financiers, les Bourses ont de quoi donner le sourire aux investisseurs. Le seul bémol concerne les obligations qui sont restées volatiles mais, en contrepartie, elles offrent de meilleurs taux d’intérêt qu’il y a 6 mois.
Comment se profile la seconde moitié de l’année ?
Globalement, les tendances observées jusqu’ici ne devraient pas se retourner. L’embellie économique devrait se maintenir mais sans déboucher sur un fort rebond car les politiques monétaires restent volontairement restrictives pour continuer à faire refluer l’inflation. Cela étant, les taux directeurs sont attendus en légère baisse, y compris aux Etats-Unis. Dès lors, notre scénario central d’un atterrissage en douceur de l’économie, à des degrés divers entre les deux côtés de l’Atlantique, tient toujours la route, ce qui est rassurant. Pour l’investisseur, les obligations devraient logiquement un peu mieux performer vu leur rendement à l’échéance plus élevé. Pour ce qui est des actions, si le contexte et l’évolution des bénéfices restent favorables, les hausses de cours pourraient être plus ténues dans un avenir proche compte tenu des belles performances déjà engrangées au 1er semestre.
« Les marchés boursiers donnent le sourire aux investisseurs »
Enfin, pour conclure l’entretien, nous n’avons pas encore abordé l’aspect politique voire géopolitique. 2024 s’annonce comme une année électorale record à l’échelle mondiale. Sans véritablement jouer le jeu des pronostics, quels pourraient être les impacts de celles-ci sur l’économie mondiale et les marchés financiers ?
La moitié de la population mondiale en âge de voter dans 88 pays est appelée aux urnes lors de scrutins cette année. Toutes les élections n’ont pas la même portée. La plus importante est sans doute l’élection présidentielle américaine prévue en novembre mais, plus proches de nous, les élections européennes et fédérales belges viennent d’avoir lieu. Si les premières n’ont pas réservé de grosses surprises, le résultat des urnes belges apparait de manière surprenante moins compliqué que d’habitude pour la formation d’un gouvernement appelé à faire de la consolidation budgétaire. Mais, la grosse surprise est venue de Paris où le Président a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et a convoqué des élections législatives anticipées susceptibles de mettre en grande difficulté la majorité relative du gouvernement actuel et ouvrir la porte à des extrêmes ou à un blocage politique. Cette soudaine incertitude, considérée par certains comme non nécessaire et risquée, a sérieusement refroidi les investisseurs alors que la situation budgétaire n’est guère brillante. Dans l’attente du remake du match entre Biden et Trump qui pourrait avoir des répercussions économiques pour l’Europe en cas de victoire de l’ancien Président républicain, nul doute que le risque (géo)politique va rythmer les prochains mois et peut-être provoquer des remous sur les marchés financiers. A suivre.